Qui a voulu embraser la Tunisie ? Ali Laareydh fournit les premiers indices
Déterminé à faire face aux graves dérapages sécuritaires qui se sont multipliés depuis dimanche dans plusieurs endroits du pays, mais ne cachant pas sa crainte de voir cette tension persister durant les prochains jours et se propager dans d’autres régions, le ministre de l’Intérieur Ali Larayedh a dressé un bilan inquiétant de la situation. Devant les membres de l’Assemblé nationale constituante, il a passé en revue les principaux faits survenus, décrivant leurs auteurs et leurs armes, précisé les principes mis en œuvre et affirmé la volonté du gouvernement de faire respecter, avec l’appui de l’armée, la loi et restaurer la sécurité.
Des hordes pouvant se constituer de 30 personnes, pour grossir à 300 et 500 personnes, voire compter par endroits jusqu’à 1500 personnes, a-t-il indiqué, n’hésitent pas à s’attaquer de nuit à des postes de police et de la Garde nationale (à La Marsa, Carthage Byrsa, Cité Ettahrir, Cité Intilaka), des locaux de l’UGTT et de partis politiques (comme à Jendouba, Bou Salem et Ben Guerdane), incendier le Tribunal de 1ère Instance de Sidi Hassine, détourner et incendier un camion de la Protection Civile, tenter de s’introduire au palais El Ebdellya à La Marsa où s’était tenue l’exposition artistique du Printemps des Arts. Si un grand nombre d’affrontements ont été maîtrisés durant la nuit du lundi à mardi, d’autres se sont poursuivis jusqu’à mardi après-midi. Des arrestations ont été opérées et leur nombre ne cesse d’augmenter, passant de 153 vers 16H à 165 vers 18H. Quant au nombre de blessés, leur nombre serait de l’ordre de 100, selon des sources proches du ministère de la Santé. Le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Khaled Tarrouche, a indiqué que soixante-cinq policiers ont été blessés dans les violences survenues dans la nuit de lundi à mardi à Tunis.
Les armes utilisées vont des armes blanches, haches et sabres aux cocktails molotov, indique le ministre. Ces hordes sont constituées d’un étrange mélange. D’après lui, il s’agit surtout de trois grandes catégories à savoir des fanatiques religieux extrémistes et violents, des anarchistes d’extrême gauche et des hors- la-loi parmi les criminels du grand banditisme s’adonnant à la consommation et trafic de drogue, vente illicite de vin et cambriolage ». « La conjonction de ces trois catégories violentes s’est également renforcée, selon Ali Laareyedh par des agitateurs appartenant à l’ancien régime dont ils demeurent nostalgiques et s’emploient à fragiliser les novelles autorités ».
Trois grands principes sont mis en œuvre, indique le ministre, pour faire face à la situation. D’abord, une grande fermeté dans l’application de la loi, avec l’appui des forces armées pour arrêter tous les fauteurs de troubles et les déférer devant la justice. « Aucun moyen ne sera épargné pour protéger nos institutions, nos biens et notre peuple et nous ne manquerons pas d’y consacrer toutes nos ressources et toutes nos énergies », affirme-t-il. Ensuite, pas d’amalgame possible entre la libre expression et l’action militante pacifique, d’un côté et, de l’autre, les formes criminelles. Enfin, la transparence totale dans le traitement de toutes les affaires.
Le ministre de l’Intérieur n’a pas manqué à cette occasion de relever que le déclenchement de ces vagues de violence survient au moment où le pays se consacre d’un côté à la campagne céréalière et de l’autre aux examens scolaires, deux grandes activités qui mobilisent fortement les forces de sécurité chargées d’assurer leur sécurisation. Il intervient aussi alors que la Tunisie a clarifié ses feuilles de route tant politique avec un calendrier clair pour la constitution et les élections, qu’économique, avec l’adoption de la loi de Finances et la programmation des projets de développement. « Quelle que soit la force des alliances entre les forces du mal, a conclu Laareyedh, elle ne saurait l’emporter. Nous lui opposerons tous nos moyens et nous ferons triompher l’unité nationale qui cimente les institutions de l’Etat, les partis politiques, les organisations nationales, la société civile et l’ensemble du peuple tunisien».
D’autres explications à la Kasbah
Quelques minutes seulement après la fin de l’intervention du ministre de l’Intérieur devant les élus de la nation au Bardo, se tenait une conférence de presse au palais du Gouvernement à la Kasbah. Elle groupait le ministre des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle Samir Dilou, le ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk, le ministre des Affaires religieuses Noureddine Khadmi et les représentants des ministères de l’Intérieur et de la Justice. Dilou a réaffirmé à cette occasion d’une part que rien ne saurait justifier le recours à la violence et de l’autre que nul ne peut s’ériger un justicier, déplorant vivement les attaques contre l’Armée, l’UGTT et des partis politiques et appelant au respect de la loi et des institutions.
De son côté, le ministre de la Culture a essayé d’expliquer le contexte de l’exposition artistique le Printemps des Arts au palais El Ebdellya à la Marsa, laissant l’entière responsabilité aux organisateurs quant aux « provocations et profanations relevées » et ayant d’après lui déclenché toutes ces réactions. Il est suivi dans cette même logique par Noureddine Khadmi qui a cependant multiplié les appels à la tolérance et à l’apaisement.
Nous avons-là deux registres que le gouvernement essaye de présenter comme complémentaires. D’abord des provocations qui sont à l’origine de la violence, mais aussi, la conjonction d’extrémismes des deux bords, entre fanatiques religieux violents et anarchistes, ralliés par des bandits et repris de justice ainsi que des agitateurs appartenant à l’ancien régime. Très clair et illustré par des faits précis, le discours du ministre de l’Intérieur, rassure quant à la détermination du gouvernement à reprendre la situation en main, mais suscite des inquiétudes quant à la propagation et au prolongement des affrontements.
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