Questions à ... - 09.12.2012

Interview de Moncef Marzouki à Leaders : Ce qui a changé en lui?

« C’est une drôle accélération du temps, comme si c’était un siècle et dans une autre vie, très différente», résume à Leaders le président de la République, Moncef Marzouki, l’année qu’il s’apprête à clôturer à Carthage. «C’est pour nous tous un apprentissage de la démocratie, dit-il. Moi-même, je suis en train d’apprendre comment être président de la République dans cette nouvelle Tunisie ». Calé dans son fauteuil, promenant parfois un regard furtif sur la grande baie de Tunis, il a bien voulu répondre à notre question centrale : la présidence l’a-t-elle changé? Interview. 

Qu’est-ce qui a changé en vous durant cette année à Carthage ?

C’est que je ne dors plus ! Même en prison, je dormais. A présent, j’éprouve un sentiment d’urgence, urgence de l’instant historique. Pour moi-même, pour le pays et pour le peuple. Sinon, je reste le même. J’ai l’impression de revivre mes années de médecin interne de garde, toujours en alerte, sans répit, tellement je suis sollicité.

Je me dis que cette année, c’est la chance de ma vie, pas pour moi-même, mais pour servir le pays, les droits de l’Homme, le peuple. Tout est urgent et je n’ai pas droit à l’erreur. Je dois me tenir dans une mobilisation permanente. J’espère que la carcasse, bien éprouvée, tiendra encore pour supporter ce rythme incessant, 24 heures sur 24.

J’ai grandement conscience de l’énormité de la tâche et je me dis toujours, c’est maintenant ou jamais. Le seul choix possible, c’est réussir ou réussir. Alors, je dois avancer, sans prêter guère attention aux attaques, bien terribles, et qui ne nous laissent reprendre le souffle. Très peu parmi elles sont de bonne foi et beaucoup de mauvaise foi. Je ne crains pas les critiques et je cherche en elles la piste de vérité, ce qu’il peut y avoir de constructif, mais je n’en trouve pas ou très peu en fait. Je lis ce qu’on écrit sur la Présidence et la seule fois où je suis tombé sur une bonne critique, c’est celle de l’utilisation parue abusive de l’avion présidentiel pour mes déplacements. Alors du coup, j’y ai pris garde et en réduit au minimum l’usage.

Je suis ici au service de tous les Tunisiens et j’ai tenu à ouvrir cette maison, jadis opaque et fermée, à tous. J’ai publié le budget de la Présidence sur le site internet et, à la fin de mon mandat, je publierai tous les comptes. J’ai invité les enfants de toutes les régions à visiter le Palais pour se l’approprier et je l’ai ouvert à tous les opposants, y compris les plus déterminés en leur disant : vous y entrerez opposants et en sortirez opposants. C’est là une nouvelle façon de voir les choses et de les pratiquer. J’accueille également les journalistes, y compris ceux qui me caricaturent ou m’attaquent. Je m’emploie aussi à faire de ce plus grand commissariat d’opinions du pays qu’il était, un lieu où on peut réfléchir et débattre librement de tout ce qui peut concerner le pays.

L’essentiel pour moi est que le pays avance, la rédaction de la Constitution progresse, l’analyse des questions économiques et sociales fasse du chemin, déjà on a fait le diagnostic des dysfonctionnements. J’espère surtout que les élections pourront se tenir avant l’été et que nous aurons la meilleure Constitution au monde.

Je dois dire que c’est pour nous tous un apprentissage de la démocratie. Moi-même, je suis en train d’apprendre comment être président de la République dans cette nouvelle Tunisie.  Comment peut-on pratiquer à bon escient la liberté de la presse, les libertés individuelles et collectives. Un long parcours et je suis plein d’espoir d’y réussir.

En tant que Président, il s’agit d’oublier ses passions personnelles pour assumer la fonction, assurer la synthèse des aspirations de la nation tout entière, déroger à ceux qui vous ont blessé, apprendre à se dominer, même si les souffrances ont été pendant longtemps très pénibles. Les Tunisiens peuvent avoir tous les défauts du monde, sauf la bêtise. Ils sont intelligents, dotés d’une double intelligence individuelle et collective. L’intelligence collective est nourrie de 3000 ans d’histoire. Tout cela nous est précieux et je suis convaincu que nous nous en sortirons.

Quelle est  votre plus grande fierté durant cette année passée à la magistrature surpême ?

C’est sans doute que, tout compte fait, la Tunisie s’en sort pas mal. Quand je compare le prix payé par d’autres pays du Printemps arabe pour s’affranchir et amorcer leur transition vers la démocratie, je me dis que nous sommes bien lotis. Et c’est extraordinaire.

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Marzouki : Un an à Carthage

Le staff présidentiel

Tags : moncef marzouki  
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3 Commentaires
Les Commentaires
abenamar - 10-12-2012 02:00

si reellement vous desirez qu´un tunisien soit egal en tout a un autre tunisien, il faut immédiatement enlever la mention de la fonction sur les documents d´identité.

Jamal MKADA - 11-12-2012 22:53

Permettez-moi de vous poser la question suivante : Pourquoi n'avez-vous pas demandé à Marzouki ce qu'il en est de sa proposition de formation d'un gouvernement "réduit" en remplacement de l'actuel formé de 80 ministres ?

Maxula - 27-12-2012 00:39

Marzouki dit :"je suis en train d’apprendre comment être président de la République dans cette nouvelle Tunisie"... Je crois que c'est peine perdue...puisque cette expérience ne sera pas renouvelée par le peuple tunisien...qui en a assez vu comme ça...

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