News - 31.07.2012

Moncef Ben Salem ( M.E.S.R.S) évalue l'enseignement supérieur privé : de bonnes expériences , mais que d'infractions

«L’enseignement supérieur privé est appelé à connaître une grande mutation en termes de qualité scientifique et de performance, mais aussi d’internationalisation. La Tunisie se doit de devenir un centre de rayonnement académique dans toute la région». C’est ce qu’affirme le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Dr Moncef Ben Salem, dans une interview accordée à Leaders. Il relève à cet égard la volonté de nombre d’établissements qui ont déjà fait leurs preuves de s’inscrire dans une démarche sans cesse renouvelée d’excellence, ainsi que l’affluence de nouvelles demandes d’autorisations dont certaines émanent de prestigieuses universités internationales. Ce nouveau contexte sera stimulant pour tous. Tout en relevant cependant nombre d’insuffisances constatées et mettant en garde contre tout manquement à la réglementation en vigueur, il estime nécessaire de faire évoluer le cadre juridique pour lever les freins et octroyer de nouveaux avantages, en faisant de la qualité du diplôme tunisien et de sa crédibilité l’objectif numéro1.

Quelle idée avez-vous de l’enseignement supérieur privé?

Lorsque la question de l’autorisation de l’enseignement supérieur privé a été posée, au début des années 80, je ne vous cache pas que j’y étais fort opposé. J’avais alors à l’esprit l’image des établissements secondaires privés et de tous les dépassements qui entachaient nombre parmi eux. Je craignais alors qu’en autorisant des universités privées, on eusse abouti aux mêmes dérapages indignes de la science et de la crédibilité du diplôme tunisien. Mais, en visitant de grandes universités nord-américaines privées, aux Etats-Unis et au Canada, je me suis rendu compte de leurs performances et de leur excellence.

Et pour ce qui est de la Tunisie?

Nommé à la tête du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, je me suis intéressé de près au dossier et j’ai découvert de bonnes expériences qui émergent du lot et méritent hommage, mais aussi que cet esprit d’excellence n’était pas partagé par tous les établissements privés. Alors que certains s’échinent à faire progresser le système et le hisser à un haut niveau, d’autres continuent à cultiver  une vieille mentalité qui n’a plus raison d’être et doit changer rapidement. J’ai également perçu que la relation entre le ministère et les établissements privés n’est pas toujours au beau fixe et empreinte de confiance et de sérénité avec tous. C’est dû essentiellement au non- respect par certains des dispositions légales, notamment la loi du 4 août 2008. Je sais parfaitement que cette loi n’est pas exempte de reproches et de contestations et nous devons envisager sa révision. Mais tant qu’elle est en vigueur, elle doit être appliquée.

Quels sont les principaux manquements relevés par vos services?

Ils portent notamment sur les engagements quant à l’affectation d’enseignants qualifiés. Il fallait exiger que ces enseignants obéissent aux mêmes critères que ceux en vigueur dans l’enseignement supérieur public. Mais, il y a aussi d’autres infractions relevées lors des contrôles et qui risquent de porter atteinte à la qualité de l’enseignement tunisien. S’ils ne se ravisent pas et ne se mettent pas en conformité avec les exigences légales, ces établissements en infraction s’exposeront à la fermeture.

Avez-vous des cas précis?

Dans les filières médicales et paramédicales, par exemple, nombre de dépassements ont été constatés, ce qui recommanderait d’abord de renforcer le contrôle, d’envisager le recours à des concours nationaux pour la délivrance des diplômes et de surseoir aux nouvelles demandes dans ces spécialités.

Et pour les autres spécialités?

Nous étudions chaque dossier au cas par cas.

Vous recevez beaucoup de demandes en ce moment ?

C’est bon signe : pas moins de 25 demandes nous sont parvenues. Certaines émanent de prestigieuses universités de renommée mondiale, dont une d’ailleurs fait partie des Top 10 des université au classement de Shanghai. D’autres sont de petites universités, mais réputées sérieuses et performantes et dotées parfois de spécialités pointues. Certaines sont nord-américaines, d’autres européennes ou établies dans les pays du Golfe, mais aussi de promoteurs tunisiens, notamment parmi d’anciens enseignants et dirigeants universitaires reconnus. Tout cela ne peut être que réconfortant car annonciateur d’un réel nouvel élan pour renforcer la qualité. L’émulation sera en effet grande entre tous pour hisser le niveau de l’enseignement supérieur privé en Tunisie et le performer et faire de notre pays un véritable pôle académique rayonnant sur toute la région.

Ce qui est remarquable en discutant avec certaines universités qui envisagent de s’établir sur nos rivages, c’est qu’elles entendent faire venir leurs propres étudiants, recruter d’autres en Tunisie et dans le bassin méditerranéen, en Afrique et dans le monde arabe, et mixer largement leurs équipes d’enseignants et de chercheurs. Et cela cadre parfaitement avec notre vision.

Quelle sera alors votre démarche ?

Le renforcement de l’enseignement supérieur privé, partant du soutien des établissements tunisiens, de l’encouragement des partenariats et de l’ouverture sur l’international, en plaçant la qualité scientifique en tant que premier objectif,  est un choix fondamental. Nous n’épargnerons aucun effort pour promouvoir le secteur, renforcer les établissements tunisiens qui s’inscrivent dans cette démarche et envisager de nouvelles incitations en leur faveur. Nous sommes prêts à étudier avec eux les différentes propositions et les aider sur plus d’un registre, comme celui des étudiants étrangers.

Justement, ils demandent la contribution du gouvernement à la promotion de la Tunisie en tant que destination d’enseignement supérieur privé, la facilitation des formalités de visa et de séjour …

Cela ne pose aucun problème. Nous pouvons mettre à contribution notre réseau diplomatique et consulaire à l’étranger, organiser des manifestations promotionnelles et même aller jusqu’à soutenir  des campagnes publicitaires, s’il le faut. Mais, attention, il va falloir assurer. C’est-à-dire réserver une attention toute particulière à ces étudiants hôtes du pays et honorer tous les engagements scientifiques et pédagogiques pris avec eux, en veillant toujours au niveau requis et  à la qualité de l’enseignement dispensé . Si ces conditions sont réunies, le ministère soutiendra pleinement les établissements privés. Le label du diplôme tunisien est fondamental et nous devons tous le défendre.

Et pour la recherche scientifique ?

Je sais que les moyens de la plupart des établissements privés sont limités et n’autorisent pas de grands travaux de recherche scientifique qui sont coûteux. Mais je sais aussi que, d’un autre côté, le ministère et les établissements publics disposent de grandes potentialités qui gagneraient à être mises en commun. Voilà donc un domaine où des partenariats publics-privés, qui ont déjà commencé, peuvent se multiplier.

Envisagez-vous d’accorder des bourses d’Etat à des étudiants fréquentant des établissements privés ?

Tout à fait ! Pourquoi pas d’ailleurs. Déjà, nous envoyons nos étudiants boursiers dans des universités privées à l’étranger. Si des spécialités pointues ne sont enseignées que dans des établissements privés tunisiens, nous pourrions l’envisager.

 

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